une histoire d\'amour

une histoire d\'amour

vendredi 20 mai

Maman est soignée pour dépression depuis de longues années... dix ans, vingt ans peut être... Je me suis toujours trouvée "forte"... J'ai toujours assumé les épreuves de la vie avec philosophie. Et puis là... depuis quelques mois, je constate que cette force, petit à petit, s'amenuise... Côtoyer depuis deux ans journellement une personne qui vit murée dans un profond chagrin a je pense consumé mes réserves d'optimisme.

Deux ans déjà que papa s'en est allé.

Cancer du poumon métastasé à la tête. Rien à faire. Trainer cette misère pendant six mois et s'éteindre sans même se battre... attendre sa mort assis sur le canapé, regarder la télé du matin au soir, le regard fixe, l'esprit ailleurs...  sentir ses forces décliner... maigrir jusqu'à ne plus avoir que la peau sur les os... quelle tristesse... assis à attendre la mort... se demander combien de temps il reste...

Papa s'est éteint, comme il a vécu. Fermé, sans rien partager. Ni de ses regrets, de ses colères, de son désespoir. Muet. Il est parti seul, un matin, à l'hôpital. Le coeur trop solicité a fini par lâcher. Quelle ironie. Ce n'est même pas le crabe qui l'a emporté en fin de compte.


J'entends encore les sanglots, les cris de maman dans le couloir de pneumologie. Je nous vois debout toutes les deux vers papa... seules...

 

Maman, effondrée, en larmes... et moi qui m'interdit de pleurer. Je dois être forte. Forte pour deux. Au fond de moi je suis "presque" contente que tout soit fini. Je ne voulais pas voir papa se transformer peu à peu en légume. Je ne voulais pas le voir se tordre de douleur sur un lit. C'était déjà bien assez. Je pense que pour lui la douleur morale a été pire que la douleur physique. Apprendre sa maladie, ne jamais rien partager de ses angoisses, garder tout en soi... je n'aurais pas sa force...

Papa est parti... et maman est restée... SEULE... depuis deux ans chaque jour j'entends les mêmes phrases... "Je ne supporte pas de le savoir dans ce trou" "c'est injuste, il ne méritait pas ça" "pourquoi je ne lui ai pas fait passer une radio il toussait tout le temps" "pourquoi on n'a pas été à Paris ou à Strasbourg" "on était si bien tous les deux" "c'était mon pilier" "on avait une belle vie" "il n'a profité de rien"... "Je ne supporte pas cette solitude"

En deux ans, rien n'a évolué. C'est comme si papa était mort hier.

Depuis deux ans, chaque jour je raisonne maman. J'ai l'impression d'être un prêtre qui fait son sermon journalier. Mais je parle dans le vide. Maman écoute mais n'entend pas. Les paroles glissent... elle ne veut pas entendre. Elle est murée dans sa bulle de chagrin et on n'arrive pas à percer l'enveloppe pour toucher son coeur.

 

Que c'est dur...

 

Et le sort s'acharne parfois...

 

Maman se fait opérer après-demain. Elle a un cancer de la peau. Un mauvais bouton récidiviste sur le nez qui s'est révélé cancéreux. On a de la chance : eh oui : on a de la chance car c'est un gentil cancer ! il ne métastase pas. C'est un cancer naso-cellulaire. Il reste en l'état. Mais il faut creuser, enlever la racine du mal on va dire. Le problème c'est que là : c'est au milieu du visage sur le nez...

Maman a 66 ans. Mais à 66 ans on ne souhaite pas être défigurée. Evidemment, maman s'est promenée sur le web et a vu des horreurs. Oubliés les paroles rassurantes de la dermato, elle est épouvantée. D'où des réflexions "bientôt je n'aurai plus de nez"... je voudrais être trois jours plus âgée... que tout soit fini.

 

Le cancer a emporté mon grand-père en 2003, mon père en 2009 et à présent il a tenté une approche chez ma mère...   Je tétanise aujourd'hui quand je pense à ce crabe... ce mal perfide qui s'insinue en nous à notre insu... quand on découvre sa présence il s'est bien souvent déjà installé, il a planté de solides fondations en nous et il n'est plus possible de l'en déloger. Oui j'ai peur. Une peur terrible de cette maladie qui nous laisse si peu de chances. Tant d'amis, de connaissances partent à cause de cette vacherie.

 

Nous avons de la chance, pour maman il n'y a rien de vital. Mais ça aurait pu. Un cancer de la peau peut être bénin ou très virulent et métastaser très vite. On l'a échappé belle...




19/05/2011
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